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Bilan de Poutine : L'Effondrement de la Propagande



Le but et le résultat d’un Etat totalitaire, c’est le contrôle absolu du Gouvernement sur la vie de la population.


Si le régime poutinien n’y est pas encore arrivé, ce n’est pas faute d’avoir essayé et il est clair qu’il utilise tous les outils propres à un régime despotique pour y arriver. Si beaucoup de nos espoirs se sont effondrés à cause de la passivité de la population russe, c’est parce que nous avons sous-estimé la capacité du régime à contrôler les esprits. Il convient donc d’étudier pourquoi ce système a été aussi efficace, mais aussi pourquoi est-ce que ce système est sur le point d’imploser.


Pendant deux décennies l’objectif du pouvoir fut d'endormir les consciences des citoyens russes. La technique utilisée (propre à la technique autoritaire la plus classique) fut d’un côté employer le propagande et de l’autre la répression. Ainsi les gens avaient la possibilité de couler dans un mensonge régulier (servi à la télévision notamment) alors que toute voix dissidente était écrasée et devenait inaudible.


La répression, on comprend très bien ce que c’est. Il s’agit de punir, dissuader et menacer. Il faut atteindre un tel niveau de pression que la personne qui souhaite exprimer un avis divergent soit se taise, soit fuit le pays, soit s’autocensure. Ainsi toute pensée réellement indépendante et dissonante par rapport à la version officielle disparaît et n’est plus entendue. Il suffit ensuite d’ajouter à coups de propagande une couche de déligitimisation. Ainsi toute personne qui dit le contraire de ce que veut entendre Poutine devient un “agent de l’ennemi”, un “traître”, un “manipulateur cynique” ou encore un "extrémiste". On en arrive donc à un résultat dans lequel le terroriste devient légitime alors que la personne se battant pour les droits de ses concitoyens devient un terroriste. Une perversion de la réalité donc.


Mais c’est le mécanisme de la propagande qui est vraiment intéressant à étudier. Le régime poutinien a utilisé tous les ressorts de la propagande soviétique bien sûr (car ne l’oublions pas, Poutine et ses amis sont les fruits de la dictature communiste, il ont été formés par le régime soviétique). Ainsi le régime a usé de vieilles techniques comme le blanchiment de l’Histoire du pays (les russes ne connaissent pas par exemple la défaite de 1905, ou les détails de la Guerre en Finlande en 1940, ou les crimes commis par le régime tsariste) alors qu’ils mettent en lumière les crimes commis par l’Occident (Abu Ghraïb, colonialisme, génocides). Cela a pour effet de faire croire au russe lambda que la Russie a toujours été respectable et n’a jamais commis de crimes alors que l’Occident, qui prétend apporter la Liberté, n’a fait qu’apporter la souffrance au monde.


Il ne s’agit pas bien sûr ici de blanchir les crimes de l’Occident. Mais il faut toujours chercher à établir les faits et non pas les sélectionner pour correspondre à une vision fantaisiste de ce que l’on voudrait que le monde soit. Les crimes de l’Occident ne font pas disparaître les crimes de la Russie et ne les justifient certainement pas. On ne peut se présenter devant le juge accusés de meurtre et dire au juge “Oui mais l’autre là, il a tué aussi !”. Ce n’est pas une défense. C’est un déni. L’Occident a déjà beaucoup été jugé et le sera encore pour ses crimes. Mais il a au moins le courage de les reconnaître et de ne pas les nier.


Comme le disait John Adams dans sa célèbre plaidoirie “Les faits sont des choses obstinées, qui ne changent pas selon nos envies et nos désirs”. C’est pour cela que la propagande russe joue le déni des faits ou met en évidence seulement les crimes des autres. Car les faits ne sont pas favorables au pouvoir en place. Mais pire encore ! Le régime poutinien a appris à retourner et à tordre les faits pour renforcer sa propre vision du monde. Les images des bombardements russes en Ukraine sont montrées à la télévision russe … ils sont justes attribuées à l’Ukraine. Il s’agit donc de réécrire les faits. Et ce, même si le résultat n’a aucun sens. Les ukrainiens se bombarderaient donc eux-mêmes (alors que cela n’aurait bien sûr aucun intérêt), et pourtant ils continuent de résister contre le “libérateur” russe ? Aucun élément de propagande ne tient face à un simple raisonnement logique de la portée de tout enfant de 5 ans. Pas plus que le besoin de mener une mobilisation partielle alors que n’a lieu qu’une “opération militaire spéciale” limitée ou encore le besoin d’empêcher la progression de l’OTAN vers les frontières russes en Ukraine mais ne pas avoir de problèmes avec la Finlande et la Suède rejoindre cette même organisation …


C’est pour cela que la propagande a recours à une deuxième arme très puissante : l’émotion. Pour endormir le raisonnement d’une personne, il suffit de l’exciter. Et bien sûr les émotions sur lesquelles jouent les propagandistes russes sont la peur et la haine. Alors qu’on leur fait miroiter un danger immédiat pour leur propre bien être, on convainc les Russes que les ukrainiens sont tous des fachos qui veulent exterminer le peuple russe. On fait des ukrainien non pas des hommes et des femmes qui ont le droit de jouir de leur autonomie, mais des bêtes menées par l’Occident pour exterminer le peuple russe. Alors toutes les incohérences de la propagande passent à la trappe. Peu importe alors que les ukrainiens ne bombarderaient jamais leur propre population, si ce sont des bêtes, ils sont capables de tout. Et on voit un incroyable mélange de l’ennemi fachiste (comme lors de la Seconde Guerre Mondiale) avec l’ennemi occidental (comme lors de la Guerre Froide) pour créer une sorte de “Super Menace Existentielle” à vendre à la population. C’est un peu comme si on essayait de dire aux européens qu’un ennemi communiste et islamiste était aux portes de l’Europe …


Et cela fait des années maintenant que le régime a labouré pour convaincre le peuple que tout le monde est contre eux. Les Etats-Unis, l’Europe, les fachos ukrainiens, les ennemis de l’intérieur … Une atmosphère anxiogène où chacun se méfie de son voisin. Ou aucune bribe de vérité ne passe. Ou dire ce que l’on pense est un danger. Ou se poser une question sur la véracité de ce qui est dit à la télévision signifie être traître. Difficile donc de ne pas sombrer …


Et pourtant, il y a de l’espoir. Une étude récente faite par des sociologues (étude difficile à mener car les données manquent cruellement dans un État aussi fermé que la Russie d’aujourd’hui) montrent que les Russes ne sont pas aussi dupes qu’on le croit. Si à peu près 25% de la population croit vraiment à la propagande, on sait aussi qu’ils peuvent changer d’avis. On ne compte qu’environ 10% de la population qui continuera de croire le régime peu importe les faits et les incohérences de la propagande. Ainsi 15% de la population croît dans le régime que parce qu’elle n’a pas d’autres sources d’information et n’a pas accès aux faits.


On compte aussi environ 20% de libéraux, qui, malgré les répressions et le danger continuent de lutter pour faire gagner la vérité. Il nous reste donc 55% de la population qui n’a pas d’avis. Non pas parce qu’ils sont idiots, mais parce qu’ils ont compris que cela est dangereux. Ils ont vu autour d’eux ce qu’il se passait et préfèrent s’occuper d’eux-mêmes, ne pas penser politique (tant que cela ne les concerne pas) et dire ce que tout le monde dit pour passer sous les radars (ce qui d’ailleurs fait croire aux 25% soutenant Poutine que tout le monde est d’accord avec eux. 25% de convaincus plus 55% de personnes qui prétendent être convaincus juste pour qu’on les laisse tranquille fait environ 80% de la population en effet).


Cet état des lieux aurait pu d’ailleurs être éternel. Si Poutine n’avait pas commis une énorme erreur : la Guerre justement. Car avec les sanctions économiques, les morts, les fuites et la mobilisation, la politique s'est invitée dans la maison de chaque russe, le forçant à avoir un avis. Et les russes envoyés aux front verront désormais la réalité, leurs familles paieront pour les erreurs du Gouvernement, personne ne sera épargné.


Clausewitz disait “Aucun plan ne survit au contact avec la réalité”. On peut donc aussi dire que “Toute propagande s'effondre quand la vérité devient manifeste”. Et la Russie a un rendez-vous avec la réalité dans les mois à venir. Et si l’emprise de la propagande s'effondrera, le pouvoir tombera avec elle. Un pouvoir totalitaire n’est puissant que tant qu’il contrôle les esprits. Quand il perd leur contrôle, ces jours sont comptés. Du reste c’est ce qui est arrivé à la chute de l’URSS, ce qui prouve que Poutine et ses alliées n’ont pas tiré les leçons de 1991. Ils ont seulement redémarré la machine parce qu’ils ont été formés à en être les ingénieurs, pas les réformateurs.


Ce qui m’amène au dernier point : le régime poutinien a utilisé des leviers qui ont été placés dans chaque russe depuis l’URSS (et même depuis l’Empire). Car Poutine ne parle pas seulement de menaces inventées maintenant. Il renvoie à des menaces imaginées encore à l’époque de Staline (l’Ouest voulant soumettre la Russie par le biais de fachos), ou de légendes datant de l’époque du Tsar (supériorité du russe sur l’ukrainien par exemple). Tant de décennies ont été utilisés par les gouvernements successifs à la tête de la Russie pour en faire des esclaves dociles, qu’il n’est pas surprenant de voir l'efficacité de la propagande. Comme le Gouvernement nazi c’est nourri de l’antisémitisme médieval et contemporain, la poutinisme c’est nourri du chauvinisme et du traditionalisme russe, couplé à sa paranoïa millénaire, pour vendre à la Russie une vision du monde complétement tordue et illusoire.


Le russe est donc (selon la propagande) le preu chevalier libérateur qui se défend contre l’ennemi étranger venu le détruire. Cet étranger, qui prétend être défenseur de l’Humanité, n’est en fait qu’un tortionnaire avide de sang et qui veut voir la sainte Russie, porteuse de traditions millénaires, à genoux. Cela donne au russe le droit d’écraser dans le sang toute personne qui questionne ce raisonnement car c’est un traître à la mère-Patrie et un ennemi de l’étranger. Le russe a le droit pour se défendre de tuer l’ukrainien qui n’est même pas un homme mais une bête assoiffée de sang, mais s’il le fait, c’est parce qu’il l’aime et veut le libérer. Nous avons raison parce que nous sommes russes. Vous avez tort parce que vous ne l’êtes pas. Nous tuons pour nous défendre et vous ne pouvez pas nous juger parce que vous êtes des tueurs vous aussi. Mais attention ! Quand vous dites qu’on tue, vous mentez car nous n'avons jamais tué personne !


Mais bientôt … La réalité viendra frapper à la porte et il faudra payer pour toutes les erreurs commises et permises. Si j’ai appris quelque chose dans ma vie c’est ceci : on finit toujours par payer, même si on ne sait pas pourquoi, même si on a cru au mensonge, même si on croyait bien faire. C’est pour cela qu’il faut, avant de faire, réfléchir, étudier, se poser des questions et essayer de toujours tout savoir au lieu de se fier à ces émotions et ce que l’on pense être certain. Après tout, comme le disait Mark Twain : “Ce n’est pas ce que nous ne savons pas qui nous créait des soucis. C’est ce que l’on croit savoir et qui se trouve être faux”.


Je vais donc dans les semaines qui viennent, dans cette nouvelle chronique, détailler le bilan de Poutine. Nous allons voir point par point ce que sa présidence nous a coûté et ce qu’elle va continuer à nous coûter. Car ce bilan, c’est la réalité à laquelle les russes vont bientôt être confrontés, et qui détruira à néant toute la propagande et toute l’emprise du régime sur les esprits de mes concitoyens.


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