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L'Union européenne et la Bulgarie : y-a-t-il encore des valeurs communes ou uniquement des intérêts?


Bonne année mes chers lecteurs ! Je vous souhaite tout le meilleur pour cette nouvelle année qui commence ! Avant de reprendre en bonne et due forme la semaine prochaine, aujourd'hui je publie la toute première collaboration du blog ! Ce qui suit est une opinion raisonnée et proposée par un de mes camarades, un étudiant bulgare du nom de Ivan Ganchev, sur les troubles en Bulgarie, leur portée et surtout leur signification dans l'ordre européen. Bonne lecture !


Cela fait plus de 5 mois que la Bulgarie est animée par des manifestations assez mouvementées. La cible immédiate en est le gouvernement, mais les revendications s'inscrivent dans un élan beaucoup plus large. Les manifestants revendiquent la fin d'une élite mafieuse, qui étouffe la Démocratie et appauvrit un Etat européen, qui avait fait l'objet d'un article assez éloquant dans "Les Echos" intitulé "La Bulgarie menacée d'effondrement démographique" (14 janvier 2018, Jacques Hubert-Rodier).


Si on prend plus de recul, on peut appercevoir que les manifestations bulgares sont circonscrites dans un ensemble plus large, qui, force est de constater, inclut un ensemble d'Etats post-communistes. La dernière décennie est marquée par des grandes manifestations "anti-mafia" et prodémocratiques. Parmi les protagonistes: le Monténégro, la Bulgarie, la Biéloroussie et la Russie. Les citoyens de ces Etats se plaignent des tendances totalitaires de leurs gouvernements, de la degradation de l'Etat de Droit, de la corruption, des liens entre les élites contemporaines et ceux de l'époque de l'Union soviétique.


Ce qui est intéressant est que ces différents mouvements ne sont pas traités par les grands leaders européens de la même manière. L'exemple de la Bulgarie en est la preuve.


Les manifestations ont débuté le 9 juillet 2020. Le mouvement a été enclenché par les perquisitions dans la présidence - alors que le président de la République dénonce depuis le début de son mandat la corruption au sein de l'appareil étatique - ; la privatisation "de facto" d'une partie du territoire par les membres d'un parti politique ; les poursuites pénales menées depuis le début du mandat du nouveau procureur général - choisi sans concours, en l'absence d'autres candidats - et qui, comme l'avère la simple observation des faits, vise des individus, voire des entreprises, qui ont manifesté leur opposition au régime. C'est ainsi que la corruptibilité des élites politiques buglares, leurs liens avec des personnes perçues comme des mafieux, la dégradation de la qualité de vie, et le dénigrement total de la Démocratie et des valeurs juridiques modernes, ont atteint à nouveau un point culminant. A nouveau, parce que le même gouvernement - celui de Boïko Borissov - a été ciblé par des manfestations comparables (voire plus intensives) en 2013.


Ce résumé de la situation est fortement contrasté par l'attitude des autres Etats membres de l'Union européenne, identifiés comme des forces européennes, à cause de leur influence économique, sociale et politique. Le 26 septembre 2020 le média allemand "Tagesschau" a publié un article intitulé "EU, bist du blind ?" (Europe, tu es aveugle ?), réfletant l'indignation des manifestants vis-à-vis de l'indifférence des Etats européens occidentaux lors de ces évènements. Il faut mentionner à ce titre que les manifestations ont été répandues en Allemagne, en Autriche, en France, au Royaume Uni, et dans beaucoup d'autres pays. Tandis que certains députés européens ont soutenu les manifestants, notamment Daniel Freund (Groupe des Verts/Alliance libre européenne) et Clare Daly (Groupe de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique), l'Union Européenne dans son ensemble reste muette, sourde et aveugle... Cela parait d'autant plus surprenant dès lors que la corruption en Bulgarie et le vol de fonds européens affectе les poches de tous les citoyens européens nourissant le budget commun. Par mesure d'objectivité il convient de mentionner que malgré tout la Comission européenne a exprimé son inquiétude pour l'indépendance de l'Autorité Judiciaire bulgare, alors qu'une petite majorité dans le Parlement européen a adopté une résolution critique visant le Premier ministre bulgare Boïko Borissov. Toutefois, cela ne change pas le fait qu'une réaction significative manque. On sait à quoi l'Union est capable, notamment contre d'autres pays comme la Hongrie et la Pologne. En effet, cette réaction anémique attise encore plus la déception des manifestants.


Parallèlement, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont tous les deux condamné la crise démocratique en Biélorussie. De surcroît, l'Union européenne a adopté, le 2 octobre 2020 "des mesures restrictives à l'encontre de 40 personnes identifiées comme responsables d'actes de répression et d'intimidation contre des manifestants pacifiques, des membres de l'opposition et des journalistes à la suite de l'élection présidentielle de 2020 tenue en Biélorussie..." (https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/eastern-partnership/belarus/)


Valeurs européennes ou intérêts géopolitiques ?


Or la condamnation de toute atteinte à la Démocratie ne peut être qu'un acte noble et adéquat. Néanmoins, y-a-t-il une explication du fait qu'aujourd'hui la dégradation totale d'un Etat européen passe inapperçue par l'Union européenne, et que la dégradation d'un autre Etat soit condamnée d'une manière ferme - et absolument légitime ? Y-a-t-il ensuite une incidence entre cela et le fait que le gouvernement du premier Etat dans l'exemple visé manifeste constamment son soutien profond vis-à-vis de la conception politique du "Futur" de l'Union dégagée par des Etats comme la France et l'Allemagne, et le fait que le gouvernement du second Etat maintient des relations plus que solides avec la Russie qui est un des concurrents géopolitiques de cette même Union ? On peut réduire tout aux apparences et répondre immédiatement. OUI ! Le premier Etat est gentil, le deuxième méchant. Mais une circonstance change tout ! Le soutien du gouvernement bulgare vis-à-vis de la politique européenne occidentale, n'est que théorique. Et plus que cela. Ce soutien est ouvertement mensonger et l'Union le sait, car les citoyens européens expriment la réalité du régime. Il résulte que l'Union - qui est au courant de la situation en Bulgarie - collabore avec un gouvernement mafieux, en dépit de l'appel des citoyens bulgares. Et voici comment la véritable question résonne : valeurs européennes ou intérêts géopolitiques ?


Ivan Ganchev, étudiant en Master de droit des affaires à la Sorbonne

(en date du 15 Décembre 2020)


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